Gilles Deleuze et la sélection naturelle de Darwin

Extrait d’un article critique, en cours de préparation, sur l’ouvrage Nietzsche par Gilles Deleuze

Il n’y a jamais eu de philosophe injustement malcompris et de philosophie erronément interprétée que Nietzsche et sa philosophie. Tout le monde s’arroge le droit d’y mettre de lui-même, ou de l’extérieur, dans l’explication et l’interprétation de cette philosophie.

Il faut savoir, d’abord et avant tout, que toute interprétation présuppose un manque, une lacune, une faille. Émile Littré lui-même définit l’acte d’interpréter comme « [l’explication de] ce qu’il y a d’obscur et d’ambigu dans un écrit, dans une loi, dans un acte ». Ce qui laisse entendre que la philosophie de Nietzsche est par trop « incomplète » pour la comprendre par elle-même. Comme s’il fallait y mettre du sel — voire même des épices ! — Et tout interprète de Nietzsche avance le soi-disant prétexte que sa philosophie manquerait de méthode, qu’elle serait fragmentaire. C’est plutôt ces interprétations qui trahissent une hâte malsaine et le besoin de s’affirmer soi-même par de telles interprétations, qui manquent de méthode et sont fragmentaires. Le fragment chez Nietzsche est une fatalité. L’expression de sa pensée est incapable de trouver sa forme dans le discours trop rigide de la méthode. Son discours imagé aurait été déplacé, voire même de mauvais goût, dans une forme méthodique. Sa poétique ne pourrait souffrir aucun moule préfabriqué et usité par le recours constant des philosophes et penseurs. Ce n’est point ici une faiblesse. C’est une force d’expression. Ce choix est problématique, soyons honnêtes et disons-le, parce qu’il échappe aux besoins de classification, de catégorisation et de transposition pour que cette philosophie soit enseignable aux universités.

Même en supposant que la philosophie de Nietzsche soit incomplète, obscure, métaphysique même, il vaudrait mieux faire recours à ses propres mots, expressions et concepts pour l’expliquer. Toute inclusion de concept étranger serait malvenue pour une interprétation rigoureuse de cette philosophie.

Encore qu’il faille mettre les idées à expliquer dans le contexte, ou en liaison avec les concepts annexes.

Ce n’est point ainsi que Gilles Deleuze intervient, dans son ouvrage Nietzsche par Gilles Deleuze, pour expliquer et interpréter le concept nietzschéen de l’éternel retour. Deleuze omet inconséquemment d’inclure dans son interprétation le concept annexe, et par là trop important, de l’Amor fati. Cette omission est compromissoire pour toute étude rigoureuse de la philosophie de Nietzsche et de ses concepts, surtout si elle se réclame d’une scientificité, laquelle est souvent absente dans les approches de cette philosophie apparemment obscure. Ces interprètes préfèrent suivre le raccourci le plus communément emprunté dans l’abord de tout texte problématique — la biographie de l’auteur...

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