L’homme est autant homme qu’auparavant

« Certes, c’est un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant, que l’homme : il est malaisé d’y fonder jugement constant et uniforme », Montaigne, Essais, I, 1, p.84

Pourquoi s’étonner au-delà de toute mesure de ce que l’homme est capable de faire à un autre homme, son soi-disant « prochain » ? Il n’est rien de plus commun dans l’Histoire que les actes de barbarie humaine, et ce en toute époque et en tout lieu. L’homme, dans l’Histoire, et même les grands hommes sont prodigues en violences et en inhumanités. Sa méchanceté, notre méchanceté, défie toute imagination et dépasse de loin toute frontière, conventionnelle soit-elle ou légale.

C’est bien l’homme lui-même qui un jour décida de se nourrir de chair animale. C’est bien l’homme lui-même qui tua son frère par jalousie. C’est bien l’homme lui-même qui massacra son prochain pour se saisir de la terre, du sol. C’est bien l’homme lui-même qui inventa l’arme pour se défendre et pour, éventuellement, attaquer lui-même. C’est bien l’homme et rien d’autre qui ôta la vie à quiconque se mettant en chemin de ses ambitions territoriales. Et c’est bien l’homme lui-même qui, pour une femme, livra une guerre de dix ans pour assouvir sa soif de vengeance, pour laver son « honneur souillé ». C’est bien l’homme lui-même qui institua la torture et la panoplie des peines de mort pour se protéger du crime et préserver le pouvoir. C’est bien l’homme lui-même qui tua au nom de son dieu, de sa religion. C’est bien l’homme lui-même qui massacra massivement des peuples, et les réduit en servitude sous prétexte qu’ils étaient des peuples primitifs. Et c’est bien l’homme lui-même qui asservit un autre peuple pour habiliter le Nouveau-Monde, cette terre « dûment » confisquée. C’est l’homme lui-même qui liquida des lignées royales au nom de la démocratie. Et c’est l’homme lui-même qui massacra au nom de la tyrannie et de l’idéologie aryenne. C’est encore l’homme lui-même qui inventa la bombe atomique, fit essai de sa force destructrice sur des civils, et puis se plaignit de sa portée dévastatrice et érigea des mémoriaux aux victimes. C’est bien l’homme lui-même qui se livra à cette activité « ludique » de la chasse jusqu'à épuiser la faune, des espèces entières, pour ensuite créer des associations de lutte pour la conservation de ces espèces mêmes. C’est encore l’homme lui-même qui se servit des animaux comme cobayes pour ses expériences scientifiques afin de créer des cures et des médicaments. C’est bien l’homme lui-même qui découvrit le pétrole et pollua l’environnement par ses machines infernales, et puis encouragea au mode de vie écologique pour préserver la planète. C’est encore l’homme lui-même qui quitta la Terre pour découvrir d’autres planètes – à conquérir, à épuiser. C’est bien l’homme lui-même qui massacra des civils pour venger des actes militaires. C’est toujours l’homme lui-même qui se nourrit de chair humaine pour survivre. Et c’est encore l’homme lui-même qui préféra exterminer son peuple en entier que de céder le pouvoir, le trône. Et c’est bien l’homme lui-même qui refusa à quiconque d’intervenir dans un conflit armé, afin de protéger ses propres intérêts économiques. Et c’est l’homme lui-même qui, au nom de l’idéologie sémite, occupa des terres et prétendit ne faire que reprendre son bien légitime, la terre de ses ancêtres…

A quoi  bon, dès lors, s’étonner de ce que l’homme est capable de faire subir à son semblable ? Pensez-vous que le progrès scientifique, économique et civilisationnel ait changé la nature humaine ? Détrompez-vous, il n’en est rien ! L’homme est aussi homme qu’auparavant. Travailler à bannir le mal des sociétés ne rendrait jamais l’homme meilleur. Il vaudrait plutôt mieux œuvrer pour la reconquête de notre humanité. Parce que les valeurs sont aussi bien bénéfiques que nuisibles à l’homme. C’est au nom des mêmes valeurs qui prêchent la bienséance envers son semblable, qui exigent la méfiance vis-à-vis du dissemblable, du différent. L’identité est capable d’être fondée sur la différence sans pour autant nuire à la cohabitation des différences et à la gestion des différents. La question qui devrait dès lors tracasser les esprits libres n’est plus « comment se comporter avec de telles crimes ? », mais plutôt « comment prévenir de tels crimes ? ».

Le voyeurisme que le téléphone, ce troisième œil pour ne pas dire l’unique, permet à l’homme trahit à lui-seul la prédisposition à se délecter d'actes violents, bien que l’éthique lui fasse croire s’en défendre. Celui qui regarde de tels actes pourrait volontiers assister à la torture et à la mise à mort des coupables en public. La loi à elle seule ne prévient pas les crimes. Elle ne fait que les réprimer. Ce n’est que l’éducation qui pourrait prétendre œuvrer en faveur d’une telle tâche. Éduquons-nous d'abord nous-mêmes, avant de prétendre éduquer – voire prêcher même – autrui. Le soleil n’illumine que parce qu’il est lumineux lui-même…

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Untitled Existence in Verse II

Liberum Mortis